édito

La Route des As.

Un brelan d'as s'invite en haut de l'affiche. Il fallait donc lire un heureux présage dans l'intitulé lui-même de la 111ème édition, où il était inscrit que le Tour de France 2024 serait celui des premières. Un Grand Départ donné depuis l'Italie, l'une des nations mères du vélo ; une arrivée finale jugée loin des bases parisiennes de l'épreuve, en bord de Méditerranée à Nice ; et un record d'altitude sont au programme. La tonalité unique de ce Tour de France résonne comme un héritage lointain de la devise du général Giuseppe Garibaldi, affirmant "je suis Niçois, donc ni Italien, ni Français". Le père de l'unité italienne, qui a également combattu dans les rangs de l'armée française pendant la guerre franco-allemande de 1870, aurait pu se reconnaître dans l'épopée qui attend les coureurs du Tour l'été prochain. Et il se trouve que les champions actuels du cyclisme roulent avec un sens de la conquête que Garibaldi lui-même n'aurait pas renié. Ils auront justement l'opportunité de le montrer dès la séquence italienne, les étapes de Rimini et de Bologne promettant d'emblée des confrontations musclées entre les favoris.

"Le peloton du Tour ne s'est jamais élevé aussi haut, aussi tôt ! Mais les échéances majeures se présenteront sur un rythme soutenu sans attendre l'altitude".

L'entrée sur le territoire français indique dès le 4ème jour de course que les débats seront continus. Car avec la montée au Galibier, le peloton du Tour ne s'est jamais élevé aussi haut aussi tôt ! La fréquentation des sommets, voilà un des thèmes de cette campagne de juillet, mais les échéances majeures se présenteront sur un rythme soutenu sans attendre l'altitude. Un choc de rouleurs se chargera d'une première distribution des rôles au cœur des plus prestigieux vignobles de Bourgogne, mais la donne pourrait aussi changer dans un décor de champagne à l'occasion de la première virée du Tour sur des chemins blancs autour de Troyes, et plus encore en s'aventurant dans les reliefs cantaliens en vue de l'arrivée au Lioran.

L'histoire apprend que sur le Tour, les hommes forts font les temps forts. Ils pourront continuer de se révéler dans les Pyrénées, à Saint-Lary-Soulan Pla d'Adet où Raymond Poulidor a marqué une dernière fois l'histoire il y a 50 ans, ou au Plateau de Beille, au terme d'une montée de tous les possibles. Des bouquets seront encore en jeu pour les baroudeurs ou les sprinteurs, mais la perspective du séjour dans les Alpes du sud ouvrira sur une bataille finale en haut lieu pour le Maillot Jaune. Un match à 2, à 3, ou rêvons même à 4, se jouerait pourquoi pas sur la route d'Isola 2000, en passant sur le toit absolu du Tour, les 2 802 m de la cime de la Bonette, là où seuls les aigles et les grimpeurs de légende peuvent se montrer majestueux ? Et encore le lendemain en franchissant le col de Turini pour partir à l'assaut du col de la Couillole ? Il restera alors à se départager entre Monaco et Nice sur un chrono de vérité, une épreuve de force à livrer au bout de ses forces… Les victoires à la Garibaldi se gagnent à ce prix !

Christian Prudhomme, Directeur du Tour de France.