l'édito de Christian Prudhomme
Cap au Nord ! D'une édition, marquante, à la suivante, de la Corse au Yorkshire, du Grand Départ le plus au sud à l'entame la plus septentrionale de toute son histoire, le Tour ne cesse d'étendre son influence.
Notre retour au pays de Sa Très Gracieuse Majesté ne doit rien au hasard. Depuis l'inoubliable Grand Départ de Londres, le cyclisme a beaucoup grandi au Royaume-Uni. En 7 ans, sa croissance a même été fulgurante. Souvenons-nous : en 2007, Bradley Wiggins régnait sur la piste mais n'avait pas effectué la mue qui ferait de lui le 1er Anglais vainqueur du Tour. Mark Cavendish découvrait la Grande Boucle ; il n'imaginait sans doute pas qu'en quelques années seulement, son étoile brillerait au firmament des sprinteurs avec 25 succès d'étape. Quant à Chris Froome, il n'avait tout simplement jamais encore mis les pieds en Europe ! Au quotidien, suivant la voie tracée par leurs champions, les Britanniques enfourchent désormais de plus en plus souvent leur bicyclette pour aller au travail, rouler avec des amis ou tout simplement se maintenir en forme.
Dans ce contexte, l'accueil que nous réserve le Yorkshire, berceau du cyclisme sur route au Royaume-Uni, puis Cambridge et Londres, sera sans aucun doute, phénoménal. Débordant de ferveur, de passion pour le Tour.
Le Yorkshire proposera aussi, dès le 1er week-end, un terrain propice à l'offensive. Thierry Gouvenou, qui l'a tracée, évoque Liège-Bastogne-Liège (dont nous avons fêté la 100ème édition au printemps) lorsqu'il parle de l'étape de Sheffield et ses 3 000 mètres de dénivelé. Une succession de côtes aux pourcentages sévères, favorables aux puncheurs, où les candidats au Maillot jaune devront redoubler de vigilance, tout comme, 3 jours plus tard sur les secteurs pavés qui mènent au chevalement d'Arenberg Porte du Hainaut, dont l'ambition affichée est de devenir "l'Alpe-d'Huez du Nord", un rendez-vous régulier du Tour sur un parcours différent mais tout aussi sélectif que les grands cols.
L'une des grandes nouveautés de cette 101ème édition sera aussi, pour les coureurs et pour les fans, la (re)découverte des Vosges. Le final de l'étape de Gérardmer en surprendra plus d'un et La Planche des Belles Filles, qui a conquis d'emblée ses lettres de noblesse en 2012, sera cette fois escaladée au terme d'une véritable étape de montagne. Les grimpeurs apprécieront l'enchaînement Petit-Ballon-Platzerwasel et découvriront, le 14 Juillet, entre supplice et délices, les pentes acérées de l'inédit col des Chevrères.
Ainsi, un 3ème massif émergera-t-il de façon significative face aux Alpes et aux Pyrénées, indispensables, et indissociables de la mythologie du Tour. Les montées vers Chamrousse et Risoul, par-delà le glorieux Izoard, puis un triptyque pyrénéen ardu dans la dernière semaine (une très longue journée avec arrivée dans la vallée puis 2 étapes nerveuses se concluant au Pla d'Adet et à Hautacam) permettront aux meilleurs de se départager. En souhaitant bien sûr que le suspense demeure jusqu'à l'unique chrono, entre Bergerac et Périgueux, à la veille des Champs-Élysées.
50 ans après l'un des épisodes les plus passionnants et les plus indécis du grand feuilleton de l'été, un Tour échevelé, récompensant les attaquants et faisant honneur au duel qui opposa Jacques Anquetil à Raymond Poulidor au cœur d'un été flamboyant, nous comblerait de bonheur.
Christian Prudhomme.
Directeur du Tour de France.