C’est par hasard, en consultant sa facture de téléphone, que Jean-Michel a découvert le pot aux roses. S’étonnant d’avoir à payer une somme plus élevée que prévu, ce client Bouygues Telecom se plonge dans les méandres du document et se rend compte que, chaque semaine depuis trois mois, 2,99 € de hors forfait lui sont ponctionnés. Le montant correspond au paiement d’un service appelé Chipstime, dont il n’avait jamais entendu parler… Après quelques recherches et des échanges avec son opérateur, il parvient à faire stopper l’abonnement et à obtenir le remboursement des sommes versées. Éric, lui, a eu moins de chance. Il a aussi détecté, en novembre dernier, une facturation similaire, cette fois pour Replay TV France. Le service client de son opérateur, Orange, qu’il a contacté, lui a assuré qu’il s’était abonné à cette plateforme de sonneries et de jeux pour smartphones. Alors que cela durait depuis près de quatre ans, la société éditrice, MMC, n’a accepté de lui rembourser que les 12 derniers mois. « Tous les forfaits de la famille sont réunis en un seul abonnement. Comme la somme varie chaque mois au gré des facturations hors forfait, je n’avais pas repéré ce service », fulmine Éric. Quant à savoir comment il a pu y souscrire, là encore, c’est l’interrogation. Tout juste soupçonne-t-il un neveu, qu’il a hébergé à l’époque, d’avoir utilisé son téléphone. Que ce soit auprès des associations locales de l’UFC-Que Choisir ou sur les forums en ligne, les témoignages relatant des faits de ce type sont légion.
Chipstime, Echovox, PlayVod, Playzer, 360 VR Tube, Top Buzz… les noms des plateformes varient, tout comme les services qu’elles proposent : du streaming pour certaines, des articles d’information, jeux ou contenus de réalité virtuelle pour d’autres, etc. Toutes, en revanche, ont comme point commun de passer par un système de micropaiement sur facture de téléphone baptisé Internet +.
Aucune donnée à fournir
Pour les éditeurs de services multimédias, cet outil s’avère particulièrement pratique, car il leur permet de confier aux opérateurs télécoms le soin de facturer la prestation à leur client et d’encaisser l’argent. Une partie des sommes récupérées leur est ensuite reversée. Pour les abonnés également, Internet + apparaît comme un gage de simplicité et de sécurité, puisque le dispositif leur offre la possibilité de souscrire un abonnement en quelques clics, sans avoir à fournir ni informations personnelles ni données bancaires. Sauf que cette solution n’a jamais brillé par sa fiabilité. Depuis sa création, en 2005, des consommateurs se plaignent régulièrement de découvrir sur leur facture de téléphone des achats multimédias qu’ils assurent n’avoir jamais réalisés. Alors certes, en 20 ans, des mesures ont été prises pour renforcer la sûreté et la transparence du dispositif. Un parcours utilisateur reprenant toutes les informations liées au contrat (service, prix, etc.) a été imposé à tous les éditeurs (lire l’encadré ci-dessous). La charte de déontologie que les professionnels s’engagent à respecter a été durcie, un plafond de dépenses mensuelles a été fixé et l’envoi systématique, après chaque souscription, de deux SMS de confirmation (un par l’éditeur et un autre par l’opérateur) a été instauré. Enfin, l’Association française pour le développement des services et usages multimédias multi-opérateurs (Af2m), chargée d’encadrer le micropaiement sur facture télécoms, dit avoir renforcé ses outils de détection de la fraude et multiplié les contrôles. Selon elle, ces actions ont porté leurs fruits. « Alors que l’activité a augmenté de 12,2 % en 2023 par rapport à 2022, le nombre de clients contactant le service pour signaler un problème d’abonnement non sollicité baisse depuis plusieurs années », se targue l’un de ses représentants.
Une manne pour les opérateurs
Ces mesures, si elles vont dans le bon sens, n’ont pas réussi à éradiquer tous les problèmes, loin de là. Il suffit que l’écran du téléphone frotte contre l’intérieur d’une poche, ou que son propriétaire clique dessus en pensant fermer une publicité ou accepter des cookies, pour qu’il valide, sans s’en rendre compte, l’une des étapes du processus d’achat. Il n’est pas rare non plus que la souscription soit déclenchée par un tiers, notamment un enfant qui, en jouant sur le téléphone de ses parents, appuie sur l’écran et la valide. Ces situations se produisent d’autant plus que ces derniers sont à mille lieues d’imaginer qu’un abonnement payant puisse être souscrit sans qu’ils aient à fournir leurs coordonnées bancaires. Les SMS envoyés par l’éditeur et par l’opérateur après la souscription sont faits pour les alerter. Mais, là encore, ils ne les voient pas ou les prennent pour l’un des nombreux messages frauduleux qu’ils reçoivent régulièrement. Quant au plafond de dépense, il est tellement élevé (300 € par période de facturation) qu’il n’est pas d’une grande utilité. Pourtant, des pistes existent pour empêcher les abonnements non désirés. Il suffirait, par exemple, que l’identité du signataire soit vérifiée avant toute souscription, ou que l’option Internet + soit bloquée par défaut (ceux voulant l’utiliser devant l’activer une fois pour toutes) afin que la grande majorité des cas litigieux disparaissent. Hélas, de ces solutions, opérateurs et éditeurs ne veulent pas. Pas question pour eux de restreindre un marché en pleine croissance qui, en 2023, pesait plus de 650 millions d’euros.
Paiement - Les règles à connaître
Trois solutions distinctes
Internet +
Le processus s’enclenche en cliquant sur une proposition commerciale (une publicité, entre autres). Il peut s’agir d’achat ponctuel ou d’abonnement. Le montant est reporté dans la partie hors forfait de la facture de votre opérateur de téléphonie mobile (si le terminal est connecté en 4G ou 5G) ou sur celle de votre fournisseur d’accès à Internet (s’il est connecté en wifi).
SMS +
Cette solution permet des achats ponctuels par envoi d’un SMS surtaxé (tel « Envoyer 1 ou 2 au 71XXX »).
Numéros surtaxés
Le principe est le même, à ceci près que vous composez un numéro surtaxé à 4 ou 10 chiffres pour valider l’achat.
Contestez ces opérations
1 - Rendez-vous sur Surmafacture.fr et entrez le nom de l’éditeur du service pour obtenir ses coordonnées.
2 - Annulez l’abonnement ou contestez l’achat auprès de l’éditeur.
3 - Si la souscription est récente, faites jouer votre droit de rétractation de 14 jours. Réclamez le remboursement des sommes que vous estimez injustement facturées auprès des sociétés concernées. Sous certaines conditions, elles acceptent de faire des gestes commerciaux.
Évitez ces facturations
Tous les opérateurs proposent une option pour bloquer ces abonnements. Il suffit de l’activer sur votre espace en ligne.
Comment vous amener à valider un micropaiement en trois étapes
1 - Cette page, apparue en jouant à un jeu gratuit, va attiser la curiosité. Il suffit de cliquer sur « Voir la vidéo » pour enclencher une procédure de souscription.
2 - Sur la page suivante, le prix et la périodicité sont visibles, mais en tout petits caractères. Le bouton OK occupe de loin la plus grande partie de l’écran.
3 - Avec cet écran de confirmation, dont la mise en page est imposée, le prix se voit enfin. Sauf qu’après deux validations, on est tenté de cliquer sans lire…