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Médecine anthroposophique - Un douteux mélange des genres

Les Suisses et les Allemands en sont friands, les Français, eux, connaissent peu la médecine anthroposophique pourtant née près de nos frontières, à 10 km de Bâle, en Suisse. C’est dans le village de Dornach que se trouve le Goetheanum, sorte de temple qui abrite encore le siège de la « Société anthroposophique universelle et de l’École Libre de Science de l’Esprit », fondée en 1923 par Rudolf Steiner, philosophe, auteur, critique littéraire, également amateur de sciences occultes.

Doctrine philosophique et ésotérique, l’anthroposophie a des applications dans divers domaines : l’agriculture (où la biodynamie est largement inspirée des principes de R. Steiner), l’éducation (avec la pédagogie et les écoles Steiner-Waldorf) et enfin la « médecine ». Le Dr Tido von Schoen-Angerer, pédiatre à Genève et expert pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), nourrit sa pratique des enseignements de la médecine anthroposophique. « On peut considérer que c’est une médecine “traditionnelle” en Suisse et en Allemagne où elle est bien implantée. Mais, contrairement à la médecine chinoise par exemple, l’approche anthroposophique du soin a été créée alors que la médecine occidentale moderne existait déjà. Elle n’est pas une alternative mais une approche complémentaire », insiste le médecin. Il rapporte que l’anthroposophie lui permet d’avoir « un autre regard sur le corps humain et la maladie ». Il a réduit ses prescriptions d’antibiotiques, ne cherche pas à faire baisser la fièvre à tout prix et recourt à la pharmacopée anthroposophique. Les remèdes, à base de plantes, de minéraux et d’extraits animaux, sont principalement fabriqués par Weleda, numéro un des cosmétiques bio en France et dont la Société anthroposophique est actionnaire majoritaire. En France, l’anthroposophie se retrouve régulièrement dans le viseur de la Miviludes (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), qui notait dans son dernier rapport d’activité que de « nombreux témoignages troublants font état de certaines dérives thérapeutiques dans les rangs de l’anthroposophie ». En 2016, un médecin français a été condamné à 2 ans d’interdiction d’exercice pour avoir traité avec des injections d’extrait de gui une patiente atteinte d’un cancer du sein et qui est décédée.

Une séduction trompeuse

« Tripartition fonctionnelle de l’organisme humain », corps « astral » et « éthérique » : force est de constater que la terminologie anthroposophique est plus ésotérique que scientifique. On peut aussi lire dans le référentiel de l’OMS pour la formation en médecine anthroposophique qu’elle consiste à « donner la priorité aux procédures et traitements qui renforcent l’activité et la capacité d’autoguérison de la personne ». Une approche dont on comprend qu’elle n’a pas d’effet propre et qu’elle peut à la fois séduire les patients déçus par la médecine conventionnelle et ouvrir la porte à des dérives de la part de praticiens peu scrupuleux. « L’anthroposophie n’est pas une médecine mais un récit théologico-métaphysique », commente le Pr Bruno Falissard, psychiatre et biosta­tisticien, qui étudie les médecines complémentaires depuis plusieurs années. « Mais cette approche, comme d’autres, est populaire car elle prend en compte la question du sens, qui échappe totalement à la médecine occidentale, détaille le spécialiste. La majorité des humains ont des croyances, c’est un besoin pour faire face à la souffrance de l’existence. Mais on ne soigne pas un cancer avec des croyances. Et j’en veux à l’OMS de suggérer que ce discours peut être du soin. »

Faux-semblants sur la rougeole

Les écoles Steiner-Waldorf, d’inspi­ration anthroposophique, sont connues pour avoir été à l’origine de plusieurs flambées de rougeole ces dernières années, car les enfants non vaccinés y sont plus nombreux que dans les autres établissements. Le site suisse de la Société d’anthroposophie se défend d’en être à l’origine et indiquait en 2019 que « la médecine d’orientation anthroposophique ne représente aucune attitude anti-vaccinale [...] ». On y trouve pourtant un article de 2022 intitulé « Vaccination inutile contre la rougeole », rapportant qu’« il existe également des raisons de principe, médicalement fondées, contre une vaccination antirougeoleuse obligatoire » !