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Douleur à l'épaule - Les douleurs les plus courantes décryptées

Vous ne vous êtes pas fait mal, vous n’êtes pas tombé, rien de notable ne s’est produit. Et pourtant, votre épaule vous fait un mal de chien. Impossible de vous habiller sans serrer les dents, d’attraper une assiette dans le placard en hauteur, de dormir sur votre épaule… Bref, dès que vous sollicitez cette articulation, la douleur perce comme un éclair et peut même irradier des cervicales au bas du dos, en passant par le bras. Au début, vous avez tenté d’appliquer une poche de froid ou une bouillotte plusieurs fois par jour, pris du paracétamol (3 g/j maximum) ou des anti-inflammatoires (1,2 g/j maximum d’ibuprofène) et de reposer votre bras sans toutefois l’immobiliser. Chez un quart des patients, ces actions simples permettent de faire disparaître les douleurs dans le mois suivant leur apparition. Mais, pour la majorité, elles vont s’installer au moins 3 mois et près de la moitié les subiront pendant près d’un an.

Pour autant, ce sombre tableau n’est pas une fatalité ! « Si les douleurs sont très intenses dès le début, il faut consulter rapidement. Sinon, on peut attendre 4 à 6 semaines. Si elles persistent au-delà, il faut consulter pour réaliser des examens, identifier la pathologie et être pris en charge », conseille la Dr Marie-Martine Lefèvre-Colau, médecin de médecine physique et de réadaptation et rhumatologue à l’hôpital Cochin (Paris), avant d’ajouter, rassurante : « Guérir une épaule prend plusieurs mois, mais une prise en charge bien conduite est efficace. » Les pathologies les plus fréquentes sont en effet soulagées et guéries par un traitement médical (médicaments et/ou infiltrations) et une rééducation appropriés. La chirurgie ne doit être proposée qu’en tout dernier recours.

« La coiffe des rotateurs »

Environ 70 % des douleurs de l’épaule non traumatiques sont liées à des pathologies de « la coiffe des rotateurs », cet ensemble de quatre muscles qui entourent l’épaule et permettent sa mobilisation. Dans la grande majorité des cas, il s’agit d’une tendinopathie, c’est-à-dire une atteinte, voire une rupture des tendons, ces structures fibreuses qui relient les muscles aux os. Habituellement unilatérale et localisée autour du moignon de l’épaule, elle provoque des douleurs lorsque l’épaule est sollicitée, ou des souffrances constantes de jour comme de nuit. Une légère raideur et perte d’amplitude de mouvement peuvent aussi être présentes, dues notamment à la crainte des patients de déclencher la douleur s’ils utilisent leur bras.

Un phénomène d’usure

La tendinopathie est induite par l’usure naturelle des tendons, par des microtraumatismes dus à des gestes répétitifs ou par le port de charges lourdes. Elle est aussi favorisée par le diabète, le tabagisme, la corticothérapie de longue durée… Elle est parfois nommée à tort tendinite, alors même que les tendons ne sont pas enflammés. C’est un phénomène dégénératif qui peut mener au déchirement partiel ou total des tendons si une prise en charge précoce n’est pas réalisée. On parle alors de « tendino­pathie rompue ». « Ces atteintes de la coiffe des rotateurs sont très fréquentes et augmentent avec l’âge. Alors que 20 % des Français de plus de 60 ans présentent des tendons abîmés, voire déchirés, ils sont plus de 50 % après 80 ans », signale le Dr Geoffroy Nourissat, chirurgien orthopédiste spécialisé de l’épaule et vice-président de la Société française de l’épaule et du coude. Pour autant, présenter des lésions de la coiffe ne signifie pas toujours souffrir le martyre. D’ailleurs, chez de nombreux patients qui ont très mal, aucune anomalie n’est observée à l’imagerie. À l’inverse, des lésions très profondes, comme une rupture des tendons, peuvent ne pas entraîner de symptômes. « Il n’existe pas de corrélation entre les lésions, leur sévérité et l’intensité des douleurs, ce qui est assez déroutant pour les patients qui tentent de comprendre ce qui leur arrive », précise Thierry Marc, masseur-kinésithérapeute à Montpellier, président de la Société française de rééducation de l’épaule.

C’est pour cette raison que le diagnostic de la tendinopathie, qu’elle soit rompue ou non, est avant tout clinique et réalisé à l’aide de différents tests (élévation de bras vers l’avant, sur le côté, élévation du coude, rotation des mains…). À l’issue de cet examen, une radiographie, parfois complétée par une échographie, est prescrite non pour valider le diagnostic mais pour éliminer d’autres pathologies comme l’arthrose, une nécrose de l’os ou une tumeur. Cet examen sert aussi à rechercher une éventuelle calcification des tendons, autrement dit la présence de billes de calcium pouvant mesurer jusqu’à 5 cm. Cette tendinopathie calcifiante, dénommée aussi rhumatisme à apatite, guérit spontanément, mais la fragmentation de ces cailloux provoque de vives douleurs.

La rééducation, pilier de la prise en charge

Qu’elles soient liées à cette calcification, une usure ou une rupture des tendons, les atteintes de la coiffe des rotateurs se traitent grâce à la rééducation et aux antalgiques, a rappelé fermement la Haute Autorité de santé (HAS) lors de la publication de nouvelles recommandations en septembre dernier. Pour calmer la douleur, du paracétamol, associé ou non à de la codéine ou du tramadol, est prescrit. Des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peuvent également être ajoutés mais sur une courte période. Quant aux corticoïdes oraux, ils ne sont pas indiqués.

Cette prise en charge doit permettre de débuter la rééducation le plus tôt possible. « Au début, le patient est vu 2 à 3 fois par semaine. Au cours de ces séances, le kiné réalise des mobilisations qui consistent à faire bouger doucement l’articulation dans différentes directions, et cela sans jamais faire mal. Ces exercices visent à calmer les douleurs et regagner en mobilité », décrit Thierry Marc qui poursuit : « Puis, lorsque le patient peut bouger sans douleur, on espace les séances et on démarre le travail musculaire. On peut utiliser des élastiques ou l’électrostimulation. Tout cela se fait en une vingtaine de séances réparties sur 6 mois environ. » Une amélioration clinique est attendue au bout de 6 semaines à 3 mois, soit au terme de 7 à 15 séances, souligne la HAS.

Mais il arrive parfois que les médicaments échouent à soulager efficacement et que les douleurs ne s’améliorent pas ou plus malgré la rééducation. À ce moment-là, les infiltrations de cortico­stéroïdes sous contrôle échographique ou radiographique sont indiquées. Si l’échographie a révélé une inflammation au niveau de la bourse séreuse – une poche de liquide se comportant comme un coussinet entre le tendon et l’acromion, ce rebord osseux qui passe au-dessus de la coiffe des rotateurs (voir schéma ci-dessous) –, les injections viseront à soulager cette bursite. Si ce n’est pas le cas, le produit sera injecté dans l’articulation gléno-humérale, c’est-à-dire entre l’humérus (l’os du bras) et l’omoplate. « Les infiltations réduisent l’inflammation et soulagent les patients entre 3 et 8 semaines, leur permettant de poursuivre leur rééducation. C’est pour cette raison qu’elles ne doivent pas être faites seules, avant ou après la kinésithérapie, et ne justifient pas une immobilisation systématique de l’articulation », souligne la Dr Lefèvre-Colau. Si la première infiltration s’est montrée efficace, une seconde, espacée de 3 semaines au minimum, est généralement réalisée.

Quand la douleur résiste

« Si, malgré cette prise en charge globale, la douleur persiste, le recours à un expert de l’épaule comme un médecin du sport, un rhumatologue, un médecin rééducateur ou un chirurgien orthopédiste est conseillé pour revoir le diagnostic et modifier la prise en charge », relève la Dr Lefèvre-Colau. Ces derniers demanderont alors une échographie, un scanner et/ou une IRM pour investiguer davantage l’origine de ces douleurs. C’est aussi à cette occasion que la chirurgie est envisagée. Si les tendons de la coiffe sont déchirés, le chirurgien peut les réparer et les raccrocher. Dans les autres cas, une chirurgie de décompression sera peut-être proposée : elle consiste à exciser la bourse séreuse et à raboter la partie supérieure de l’omoplate (acromion), suspectée d’irriter les tendons par frottement. Mais, « excepté la réparation des tendons déchirés, la chirurgie n’a que très peu d’intérêt et est rarement indispensable. L’acromioplastie repose d’ailleurs sur une théorie séduisante mais assez simpliste. Et il a été démontré qu’une intervention chirurgicale ne modifie pas le devenir des patients opérés comparativement à ceux ayant suivi une rééducation associée à des infiltrations », pointe le chirurgien, qui indique n’opérer que très rarement des tendinopathies. Reste que, encore trop souvent, la chirurgie est proposée aux patients sans justification. Une étude coréalisée par la HAS révèle qu’un tiers des patients opérés en 2022 n’a pas bénéficié d’un suivi chez le kiné et la moitié n’a pas eu d’infiltration avant de passer au bloc !

La capsulite

La capsulite est l’une des maladies de l’épaule les plus fréquentes. C’est une rétractation de la capsule, ce tissu ligamentaire, riche en collagène et situé entre l’humérus et l’omoplate, qui enveloppe l’articulation. Environ 10 % de la population en souffre. Elle se caractérise par des douleurs insupportables et une raideur de l’épaule pouvant durer plusieurs années. Schématiquement, l’évolution se fait en 2 phases. Durant 6 à 8 mois, au cours de la « phase chaude », la douleur s’installe peu à peu jusqu’à en devenir foudroyante et insomniante. Le diagnostic clinique est alors difficile, la capsulite pouvant être confondue avec une tendinopathie ou une arthrose. La radiographie et l’échographie permettent de la confirmer. Puis, au cours de la phase « froide », les douleurs diminuent, et l’épaule s’immobilise, se fige. D’où l’expression « épaule gelée », symptôme caractéristique de la capsulite. Les causes de la rétractation de la capsule restent encore méconnues. « Certains facteurs peuvent la favoriser : le fait d’être une femme de plus de 50 ans, être diabétique ou atteint d’un trouble de la thyroïde, avoir déjà fait une capsulite à l’autre épaule, décrit le Dr Nourissat. Elle peut aussi être secondaire à une chirurgie, du sein ou du cœur par exemple, ou faire suite à une tendinopathie de la coiffe mal prise en charge. »

Face à une capsulite rétractile, la chirurgie n’est jamais une solution. Là encore, le meilleur soin est un traitement médical associé à une rééducation, et il sera d’autant plus efficace que le diagnostic est posé rapidement. Aussi faut-il consulter sans attendre. « Dès la phase dite chaude ou inflammatoire, le kiné peut intervenir. Grâce aux mobilisations douces, on peut éviter une perte trop importante de mobilité et l’enraidissement », assure Thierry Marc. Au cours des séances, le thérapeute pourra utiliser la thérapie miroir. Initialement imaginée pour traiter les douleurs du membre fantôme chez les personnes amputées, cette thérapie consiste à installer un miroir entre les bras du patient, le bras non endolori placé côté miroir. Le patient doit ensuite lever les deux bras en même temps tout en regardant son reflet. Cette image trompe alors le cerveau et lui fait croire qu’il a deux bras non douloureux.

Quelle est la place des infiltrations ?

En plus de la rééducation, des anti-inflammatoires locaux ou par voie orale sont prescrits en première intention, mais ils sont peu efficaces. Les infiltrations de corticoïdes sont donc rapidement proposées. Elles peuvent être réalisées 3 ou 4 fois par an maximum, pour ne pas endommager l’articulation mais aussi pour prévenir les éventuels effets secondaires.

En cas de faible efficacité des infiltrations ou de récidive, une arthrodistension, aussi appelée capsulodistension, peut être recommandée. Ce traitement consiste à injecter dans l’arti­culation un anti-inflammatoire puissant (cortisone) et un anesthésiant (lidocaïne), puis à profiter de cette anesthésie locale pour réaliser, dans la foulée, des mobilisations intensives avec le kiné. Ce protocole peut être répété 2 ou 3 fois en une dizaine de jours pour gagner davantage d’amplitude de mouvements, bien que son efficacité reste encore incertaine en comparaison avec l’injection seule de corticoïdes.

Plus rarement, une infiltration du nerf supra­scapulaire avec des corticoïdes, avant des mobilisations importantes, est préconisée. Réalisée sous anesthésie générale, cette intervention est un traitement ancien, mais qui n’a jamais fait la preuve de son efficacité. En raison de sa lourdeur et des possibles complications, de nombreuses équipes s’en sont détournées.

Enfin, un nouveau traitement commence à être proposé : l’embolisation. Cet acte de radiologie interventionnelle vise à obstruer les petits vaisseaux sanguins qui se sont anormalement développés au niveau de la capsule et qui sont responsables de l’inflammation locale. Les études actuelles, effectuées auprès d’un faible nombre de patients, sont encore à confirmer. Toutefois, les données suggèrent que 80 à 85 % des patients en échec de traitement rapportent une diminution des douleurs et des raideurs dans les 6 mois suivant la procédure, et peu de complications sont rapportées. En cas de récidive, cette embolisation pourrait être répétée. 

L’arthrose

Contrairement à la hanche ou aux genoux, l’épaule est peu touchée par l’arthrose. Elle représente à peine 4 % des localisations de cette maladie articulaire. Généralement bilatérale, elle provoque des douleurs, qui se manifestent d’abord lorsque l’articulation est sollicitée avant de devenir quasi permanentes, ainsi qu’une limitation des mouvements. Des symptômes pouvant être confondus avec une tendinopathie ou une capsulite débutante. La radiographie, réalisée en cas de douleur d’épaule, permet de poser le diagnostic. « Il est néanmoins important de rappeler que les lésions arthrosiques ne sont pas systématiquement associées à des symptômes. Plus de 60 % des patients atteints d’omarthrose ne souffrent pas et n’ont pas besoin d’être pris en charge », souligne Thierry Marc.

C’est le plus souvent l’articulation gléno-humérale (qui fait le lien entre l’omoplate et l’humérus) qui est rongée par l’arthrose. Elle est généralement la conséquence d’une luxation, d’une fracture ou d’une rupture de la coiffe des rotateurs. Dans ce cas, les tendons ne maintiennent plus la tête de l’humérus qui remonte peu à peu sous l’acromion. On parle alors d’omarthrose excentrée. À l’inverse, lorsque la coiffe est intacte et la tête de l’humérus toujours à sa place, on parle d’omarthrose centrée. La prescription d’une IRM et d’un arthroscanner nécessitant l’injection d’un produit de contraste permet d’identifier ces différentes formes.

Aucun traitement médical ne guérit l’arthrose, mais la rééducation associée à des infiltrations diminue la douleur. Dans le cas de l’omarthrose excentrée, le travail avec le kiné vise à compenser les lésions des tendons et ainsi maintenir la souplesse de l’épaule et sa mobilité. En cas de gêne très importante et de douleurs handicapantes, la pose d’une prothèse se discute. En fonction du type d’arthrose, deux types de prothèses sont possibles. Le choix entre entre l’un ou l’autre de ces dispositifs n’est pas réellement soutenu par des données scientifiques robustes, comme l’ont indiqué les experts de la revue Cochrane en 2021 : « Nous ne savons toujours pas quel type ou quelle technique d’arthroplastie de l’épaule est la plus efficace dans les différentes situations. » Chaque année, en France, moins de 20 000 prothèses d’épaule sont implantées.

Les soins non recommandés

  • Les injections d’acide hyaluronique ou de plasma riche en plaquettes (PRP) sont autorisées, mais elles ont démontré leur inefficacité dans les douleurs d’épaule. De ce fait, elles sont déconseillées.
  • La cryothérapie, les ultrasons, le laser, les ondes de choc (percutions) ou encore la TENS (un appareil qui délivre des impulsions électriques de faible intensité) sont parfois proposés par les kinésithérapeutes. Mais les études ne sont pas concluantes. Mieux vaut donc éviter ces soins.
  • Les thérapies complémentaires comme l’acupuncture, la chiropractie ou l’ostéopathie n’ont pas démontré leur capacité à soulager efficacement. Ne confiez pas votre épaule à un praticien que vous ne connaissez pas.

Douleur à l’épaule - Des exercices de rééducation à faire soi-même
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